On est là!!
Rufisque, Sénégal, le 6/06/2008
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Salamaleikoum!!
Comment ça va? Et la famille? Et les activités? Nous on « s'accroche » comme on dit ici. Petit à petit, on se fait à notre nouvelle vie de quartier, avec un rythme plus régulier (on a pas dit « routinier ») que durant ces 6 mois de voyage. Et c'est pas sans nous déplaire! Notre « studio » (d'au moins 80 m2 avec plusieurs pièces) se transforme tout doucement à notre image. Un peu de mobilier acheté ou prêté, des ustensiles divers et variés, le tout glanés sur le marché de Rufisque. Les vendeuses commencent à nous connaître. On est repéré dans le quartier, les gens se font petit à petit à notre présence, comme la vendeuse du dépôt de pain en face chez nous... Ils nous taquinent aussi, car le sénégalais est moqueur, en testant notre compréhension du wolof. On balbutie quelques mots et le tout finit dans un éclat de rire général!
(ce sont des oeuvres extraites de la biennale Dak'art qui se déroule en
ce moment. Il y a marqué "ADN" sur le drapeau tricolore...)
Car au Sénégal il y a une forte unité linguistique, peut etre plus que dans d'autres pays que nous avons visité en afrique de l'ouest. Si à Abidjan, on utilise assez volontiers le français (à la sauce locale) pour se comprendre, ici toute la population parle la langue de l'ethnie la plus nombreuse (30% de la population): les wolofs. Certes, chaque ethnie garde sa langue d'origine, mais c'est le wolof qui est majoritairement utilisé, plus ou moins mélangé à des mots de français ou d'arabe parfois. Le melting pot dakarois et les mariages entre ethnies font que même les langues des autre ethnies sont moins parlées, dans un mouvement de « wolofisation » général.
Donc il nous est parfois difficile de suivre les conversations, même si 50% de la population parle français (ceux qui sont allés à « l'école française », en opposition avec l'école coranique, où l'on apprend à lire et écrire l'arabe). Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les ethnies du Sénégal, les wolofs, les lébous, les peuls, les toucouleur, les sérère... on a trouvé ce lien sur le net.
On a fait la connaissance d'un jeune du quartier, Mor, qui aime bien se faire appeler « vivant » par ses amis nantais. Car Mor se fait un devoir d'accueillir comme il se doit les toubabs qui passent à Rufisque, et comme notre ville est jumelée avec Nantes, il a cru que nous étions nous aussi de la Loire Atlantique! Grace à lui, on a eu l'occasion d'assister à un « Simb », une cérémonie traditionnelle wolof qui est devenue maintenant une fête de quartier pour divertir les nombreux gosses. Cette fête du « faux lion » est une sorte de cache cache collectif où les enfans doivent échapper à des jeunes hommes déguisés en lion et en panthère. Malheur à celui qui se fait prendre, il est battu (gentiment) et aspergé d'eau devant tout le monde, avec des danses au son des chants et des tam-tam. Pour avoir la vie sauve, il faut soit des bonnes jambes ou payer le ticket d'entrée, ce que nous avons fait.
(on a pas pu prendre de photos, donc voici celles de Mr Ouèbe...)
Malgré tout une panthère voyant de la chair fraiche toubab a voulu en profiter pour réclamer son dû (de l'argent)... Ce qui nous a passablement énervés, étant les seuls à avoir été sollicités ainsi. L'image du blanc-porte-monnaie-ambulant, est très répandue!! Sauf qu'étant blanc on a la capacité à « dire non comme des toubabs »!! En effet, et c'est une constante dans la culture africaine, s'il est tout à fait admis de demander de manière très directe (qui semblerait impolie chez nous), il est mal poli de dire non, de refuser de donner. Il faut user de périphrases et de raisons plus ou moins bidon. En plus de cela, les gens sont hyper sensible au « qu 'en dira-t-on », et donc ont du mal à refuser. Dans ce cas, Mor arrangera l'affaire en promettant un don de sa poche, à notre grand étonnement. Les choses se règlent ainsi, à la locale, sans que l'on comprenne toujours ce qui se passe!
Certains se demanderont pourquoi ne pas donner à tout bout de champ? De toute façon, il ne s'agit que de petites sommes!! Eh oui, mais on ne vient pas en Afrique pour se donner bonne conscience, pour faire la charité. C'est ce qui permet à nos puissants occidentaux (politiques ou multinationales) de continuer à piller et dévaster ce continent. Les sacs de riz balancés, l'argent « prêté » (à des conditions ahurissantes du genre « seulement si tu achètes des produits de chez moi ») peuvent entretenir l'Afrique dans un statut dégradant de mendiant... Et donc à notre niveau, on sait qu'on ne pourra pas régler les problèmes de pauvreté du Sénégal à nous seuls, et donc on préfère consommer local, faire des dons à des ONG qui développent l'activité économique ou l'enseignement scolaire, et non balancer des centimes par-ci par là dans une position du blanc plein de fric conforme aux représentations mentales africaines. On pourrait le faire des dizaines de fois par jour...
Une position pas facile à tenir. Mais les africains qui ont un peu de réflexion là dessus sont tout à fait d'accord. Ils en ont marre qu'on les prenne pour des mendiants, et voudraient juste que l'occident arrête l'exploitation du continent et permettent à leurs pays de se développer. Ils en ont marre que des multinationales fassent ce qu'elles veulent, en graissant la pâte de dirigeants corrompus mais soutenus par nos « démocraties ». Marre que l'aide au développement ne développe pas grand chose, que l'économie soit basée sur l'exportation à bas prix de matières premières, pour en contre partie importer des produits manufacturés à prix élevé (on est étonnés du cout de la vie ici en comparaison avec l'Inde ou la Thailande!!). Il y a certes des causes africaines à ces maux, biensûr. Mais l'occident, comme au temps de la colonisation continue de diviser pour mieux régner, et la mondialisation a permis d'accentuer le phénomène... Fin de la parenthèse revendicative... On pourrait en écrire des lignes et des lignes (sur les présidents incompétents soutenus par la France, sur des injustices économiques comme le coton burkinabé qui est plus cher sur le marché mondial que le coton subventionné made in USA etc...)
Nous avons eu la visite de la « décath team » Zuz et Mike, pour une dizaine de jours. L'occasion pour Elise de partir découvrir la Casamance, cette région du sud du pays, enclavée entre la Gambie et la Guinée-Bissau (une stupidité du découpage territorial colonial). Un voyage en ferry d'une nuit pour profiter pendant 6 jours des beaux paysages de verdure (le climat est plus humide dans cette région). On attend un texte de Zuz et Mike pour vous faire partager leur expérience Sénégalaise, et notamment des cours de batik avec Shérif, le philosophe guinéen...
Pendant ce temps là, Julien, resté sur Dakar a soigné son dos, sa solitude et son malheur en compagnie de Aarpul et de sa courée...
Au retour, on en a profité pour aller faire un tour du côté du lac rose, non loin de Rufisque, avec notre ami taximan Pape, alias « c'est pas grave ». Son expression favorite, pour dire oui, non, peut être etc... L'occasion de fous-rires.
L'eau salée du lac Rose permet la production de sel, recueillis dans des petites barques en bois. Pour alimenter en sel toute la sous-région ouest africaine.
Plus loin, on s'est même aventurés à pied sous le cagnard jusqu'à la plage voisine. C'est ici qu'autrefois les voitures et motos du Paris-Dakar finissaient leur course...
Maintenant, c'est d'ici comme d'ailleurs que partent les pirogues de jeunes sénégalais en rêve d'europe. Un voyage de 4 jours jusqu'en Espagne puis un bus jusqu'en France, qui brule les dernières économies. Ca coute 600 000 FCFA, environ 900 euros, une fortune ici qui pourrait être investie pour créer de l'activité économique. Mais le rêve est trop fort. Le risque de mourir en mer (et c'est assez fréquent) ou d'être reconduits par la police, n'y fait rien. Comme nous le dira Ismaël, un jeune qui habite le quartier d'Idrissa. Il a fait le voyage est n'est resté que 15 jours en France, avant de revenir en sarko-charter. Il y a un ministère à Dakar du « tourisme et des sénégalais de l'extérieur ». On se demande bien ce qu'il fait pour arrêter ce drame humain et économique. Un gachis de vies et d'argent, qui alimente les mafia qui gèrent ce trafic humain. Et de l'autre coté, les barrières ne seront jamais assez hautes et les flics jamais assez nombreux pour arrêter le phénomène. Quand est-ce que nos dirigeants comprendront que le « problème » (s'il y a) de l'immigration se réglera par un réel développement de l'Afrique!!!
Nous avons eu aussi l'occasion de découvrir l'île de Gorée, en face de Dakar. Un après-midi agréable sur cette île superbe chargée d'une histoire sombre. Gorée fut colonisée par les portugais, les hollandais, puis les français, pour servir de centre de tri et d'expédition d'esclaves vers le nouveau monde. Les édifices colorés de l'île ont servi à de telles fins.
On peut en visiter une, la « maison des esclaves », laissée en l'état depuis le 17ème. Moment d'émotion et de recueillement. Moment de mobilisation et de réveil des consciences aussi (cf le paragraphe revendicatif du début), grâce à un guide qui n'avait pas sa langue dans sa poche... Le parallèle entre l'exploitation des esclaves à Gorée et l'exploitation actuelle de l'afrique n'est pas si choquant... Finalement, seule la « matière première » diffère. La manière (plus sournoise) aussi.
Le voyage, en bateau, du retour de Gorée fut un moment de grace, grace à une chorale de casamance qui nous a permis d'oublier les conditions de sécurité limites (bateau surchargé) et l'attente de 2h dans le cagnard.
En effet un groupe de blancs néerlandophones avait réservé le bac pour lui tout seul, leur permettant de gruger tout le monde. Avoir de l'argent ici permet tous les excès!!!
La soirée fut l'occasion de gouter à la fiesta Dakaroise et de s'essayer à la danse qui accompagne : le m'balax (prononcer m'balakh). Vous en connaissez surement la star internationale qui a fait connaître cette musique : Youssou Ndour. L'enfant du pays (il est de Ouakam, une banlieue de Dakar) est incontournable. Il a fondé un groupe de presse « Futurs Médias », possédant journal (www.lobservateur.sn) et radio (Radio Futur Médias). Il a ouvert sa boite de nuit également... Pour vous rendre compte de notre difficulté à comprendre la musique (pleine de percussions) et la danse du Mbalax, l'ami Mike vous a trouvé une tite vidéo sur le net... Admirez le truc.
Après tant de mouvement, on est revenus à notre train-train sénégalais. Des découvertes dans le milieu associatif pour l'une et psychiatrique pour l'autre. Un prochain message sera l'occasion de vous parler de tout cela.
Bécots les biloutes!!
Elise et Ju
NB: désolé pour nos fans du délai si long entre deux messages... mais on est occupés ici!! et le rythme de vie n'est plus le même. allez voir quand même les photos qu'on a mis dans le message précédent...